Surgissant des bois au milieu d'une ville qu'il est bien difficile de situer dans ce monde nommé nulle-part, un Homme apparut, errant sans direction et ayant pour uniques compagnons parasites encrassés en tout genre se sentit définitivement souffrant au milieu d'une atmosphère qu'il ne comprenait pas et où il était ignoré de tous. Il se sentit l'âme mordide, il sortit alors une mine aiguisée d'une de ses poches aussi trouées que son coeur, se poignarda la peau de ses bras mutilés et se mit ensuite à écrire sur un vulgaire morceau de papier avec cette inépuisable encre qu'est son sang...

"Telle une chauve-souris s'engouffrant dans la pénombre d'une humide et profonde grotte déjà enfoncée sous cette abominable couche terrestre, mon crâne parsemé se heurte à des stalactites dépourvues de sens en découvrant et en tentant d'apprivoiser ce que votre espèce ose appeler l'humanité.

A la vue de cette putréfaction que sont les hommes, je préfère vivre en hermite, n'ayant pour seule éclaircie qu'un immonde creux regorgeant de poussière cadavérique. Au dehors la pluie, tombant si raide, ne fait qu'imiter les barreaux d'une prison, du monde dans lequel nous sommes nés sans que nous ne l'ayons souhaité, tel est notre ultime drame romantique: être né trop tard dans un monde trop vieux et déjà en décomposition... Moisissure aussi verte et glauque que l'absinthe soutenue par l'ivresse de votre pollution et vos déjections devenues tellement insoutenables en cette ère...

En percevant cette pluie s'abattant vigoureusement sur mon crâne, me rabaissant et m'empêchant de prendre mon aveugle envol vers cette orageuse lumière, bonheur impercevable de la vie; je préfère attendre la neige, poudre blanche dans laquelle il serait enviable de mourir, gelé et intact pour une éternité totale avant qu'à leur tour vers, insectes et autres germes de pourriture qu'autrefois nous dévorions, rongent mon infâme corps repoussant et à la joie de tous, gisant dans un glacial et ténébreux chaos."

N'ayant pourtant plus que pour unique pensée sa propre holocauste, l'Homme périssant se sentit paradoxalement renaître, libéré de ses corbeaux lui chatouillant son esprit avec leur becs cornus, et se remit à écrire ses dernières lignes recouvert de plumes aussi noires que son sordide désespoir...

"Agonisant sous la lueur atroce du jour, pourtant si faible et si peu perceptible du fin fond de mon obscur dongeon; même mourant j'aime autant entendre les crissements affolants de la nuit sous une trise et macabre lune solitaire, que de verser une dernière larme pour vous, créatures hideuses. La noirceur d'une scandinave nuit éternelle luisant sur la neige impénétrable donne une couleur à la fois gaie et d'autant plus dérangeante à mon futur cadavre.

Permettez-moi donc de rejoindre mon unique patrie qu'est l'Enfer, lieu mythique où s'incendieront au milieu des flames de purification convictions et pensées ombrageuses qui n'étaient pourtant que les seuls dont je fus entièrement et désespérément certain. Je me sens m'élever à contre sens de ma vie terrée, je m'élève dans ce lieu aussi rouge que le liquide formant maintenant une marre sous mon corps."

L'Homme s'adossa alors à un saule pleureur lui rappelant tant de mauvais souvenirs d'antant. Il épongeait ensuite une dernière fois son sang et mit le point final à cet épitaphe tandis qu'au même moment ses poumons envahis d'une fumée charboneuse poussèrent un dernier souffle alors que son coeur meurtri en faisait autant.

Ecrit par moi-même le 16/07/2007